Une fois encore, pour ne pas dire une fois de trop, la pandémie a eu raison du salon horloger que le groupe de luxe LVMH avait prévu d’organiser à Genève. Pour compenser, les nouveautés de l’année ont été présentées fin janvier, aux professionnels de la branche lors de rendez-vous organisés sur Paris, en petit comité ou de façon dématérialisée.
Face à la déstructuration des présentations horlogères, il faut aux journalistes des connaissances fines dans le métier pour parvenir à présenter les nouveautés sans les avoir eues toutes en main. Par chance, quelques maisons ont œuvré pour rendre possible la découverte de certaines de leurs nouveautés de façon « phygitale », un néologisme pour décrire des présentations associant l’expérience du toucher à la découverte digitale sur écran d’ordinateur.
Rationaliser l’expérience sensorielle
On retiendra de cette semaine passée à voyager dans le temps sans même avoir à se déplacer de son fauteuil de bureau que l’horlogerie est une discipline capable d’une incroyable adaptabilité. A force d’expériences immersives à grand renfort de petites vidéos et de conférences « Zoom », on pourrait presque dire avoir vécu de l’intérieur cette grand-messe. Ceux qui n’ont pas connu l’effervescence de Baselworld ou la tension au moment d’entrer dans les salons du SIHH (le Salon international de la haute horlogerie) ne pourront pas comprendre combien l’absence de ces petits instants d’adrénaline enlèvent une parcelle de luxe à ces produits présentés à travers le prisme d’un écran comme on le ferait d’un aspirateur lors d’une séance de télé-achat. La pandémie entraine son lot de petits malheurs et il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur car, durant ces sessions étonnantes où la concentration a été mise à rude épreuve, un nombre assez important de montres ont retenu notre attention.
La couleur à toute heure
Cette année, les marques du groupe LVMH se sont penchées sur les moyens de mettre de la couleur dans leurs créations, sans doute pour faire front à la morosité ambiante. Et elles n’y sont pas allées avec le dos de la cuillère. Auparavant, elles proposaient presque sous le manteau quelques références avec des cadrans bleus et plus récemment verts ou bordeaux. Cette extravagance constatée sur quelques rares modèles faisait annuellement l’objet de thématiques dans les magazines life-style au point de faire croire à une tendance. Toutefois, en ce début de saison, ce ne sont pas une ou deux pièces à oser la couleur au sein d’une marque, mais trois ou quatre. Attention, dans le cas de figure qui nous intéresse, il ne s’agit pas d’un petit effet simplement cosmétique comme cela pourrait arriver. Le traitement ne s’arrête pas au cadran et s’étend pour beaucoup au boîtier ou à la structure même du calibre. Ainsi, chez Zenith, le chrono Defy 21 Chroma embarque un mouvement dont certains composants sont colorés en vert ou en orange. La couronne, elle même, comme les fils du bracelet se parent de teintes fraiches soulignant le caractère ludique de la pièce. Dans le même esprit, un des chronographes Defy Extreme Carbon s’équipe d’un bracelet rouge vif et d’index de compteurs décalqués bleus ou verts pour rester de façon subliminale en lien avec la tendance précédente. Cela aurait pu suffire pour ce semestre, mais la manufacture du Locle, a fait le choix de présenter la Defy Midnight Sunset, une référence appelée à être remarquée avec son cadran reprenant les teintes d’un ciel d’été au moment du coucher de soleil. Pour sa part, Zenith a fait le choix de suivre les traces de la maison Hublot qui pratique la couleur comme un art majeur de longue date. Ainsi, cette maison fondée en 1980 et depuis toujours à la pointe de la mode, n’hésite pas à exploiter les teintes orange et vertes à haute dose. La première pare le boîtier de la Big Bang Unico Golf Orange Carbon tandis que la seconde se retrouve au cœur de la céramique de la Big Bang Unico Sang Bleu II Green Ceramic. On l’aura compris à voir le nombre de propositions, cette teinte, ici presque kaki, est dans l’esprit du temps depuis maintenant deux ou trois ans. La preuve, Bvlgari l’exploite également en pavant d’émeraudes une partie du boîtier de la formidable Bvlgari Octo roma Emerald Grande sonnerie ou la formidable Serpenti Heritage Maxilogo. Il faut bien cela pour célébrer la joie de vivre. Et si cela n’y suffisait pas, cette maison propose une pièce au sein de la collection Lvcea qui, parée d’un formidable cadran en verre aventuriné, entend célébrer la vie en rendant hommage au bleu intense des nuits romaines.
Le revival, un courant d’avenir
Pour beaucoup de marques, entretenir sa légitimité dans le métier horloger passe par la célébration du passé. Certaines remontent loin pour justifier de leurs compétences dans telle ou telle spécialité tandis que d’autres, arrivées plus récemment sur le marché, se contentent de revenir à leur date de fondation. C’est le cas de Hublot qui, avec son nouveau chronographe Classic Fusion Yellow Gold, rappelle qu’elle a lancé, il y a un peu plus de 40 ans, la mode du caoutchouc dans un métier alors étanche à toute modernité. Pour sa part, TAG Heuer célèbre les 60 ans de l’Autavia. Cet instrument emblématique d’une certaine vision du chronométrage, initialement installé au tableau de bord de bolides, revient pour 2022 avec un calibre automatique de chronographe doté d’une fonction fly-back et un look de folie pour ne jamais plus quitter le poignet de leurs futurs propriétaires. Enfin et pour finir par la marque avec laquelle le dossier des nouveautés a été ouvert, Zenith propose la Defy Revival, une référence éditée en série limitée dont l’esthétique reprend celle d’un modèle lancé en 1969 qui lui même sert de fil directeur à la collection éponyme : la Defy A3642. De toute évidence, cet instrument aux lignes très anguleuses ne fera pas l’unanimité, même si l’octogone a ses adeptes. Toutefois proposé en toute petite quantité, il devrait attirer l’attention des collectionneurs et, qui sait, peut être même des amatrices en quête de produits à forte identité, potentiellement accessibles.