Moment festif attendu par tous les acteurs du métier, les Geneva Watch Days ont donné à découvrir des pièces qui, si elles ne révolutionneront pas toutes le marché, ont au moins comme avantage de marquer le début d’une nouvelle ère.
On l’a entendu sur place dans la bouche d’un grand nombre d’intervenants : « un monde horloger sans moments forts pour présenter les pièces est un univers désincarné où la dimension du luxe s’efface ». Suite à deux ans d’un monde vivant au ralenti, ce salon semblait comme une respiration après avoir trop longtemps retenu son souffle. Etre présent s’imposait donc pour découvrir en chair et en os comme en métal et en rouages ce que les marques avait mis au point pour reconquérir un vrai public de passionnés.

Baselworld à Genève
Réunies au centre de Genève dans les confortables suites des meilleurs hôtels afin de réduire le nombre de gens présents au même moment et au même endroit –Covid -19 oblige-, les marques investies dans ce salon ont eu à cœur de nous faire rêver. Alors oui, on est loin de la folie du salon de Baselworld qui, en 2019 encore et dans sa pire année, regroupait tout de même près de 520 exposants contre près de 2000 en 2011, attirait 81 000 visiteurs (-20% par rapport à 2018) et se développait sur près de 160 000 mètres carrés. La plupart des journalistes initialement conviés à leurs frais, mais pour la plupart invités et pris en charge par les marques , ont pu découvrir les nouveautés des entités présentes avec un œil sans doute un peu complaisant. Ils ont pu se rendre à l’embryon de Baselworld nouvelle génération et dans les hôtels où les attendaient d’autres acteurs du marché, bien décidés à s’émanciper des grandes structures institutionnelles que sont Watches & Wonders (Richemont et associés) ou Baselworld (l’ancienne foire internationale de l’horlogerie et la joaillerie de Bâle qui tente de se relancer).
Parmi la poignée des horlogers bien décidés à rester au sein de Bselworld, cette institution qui a porté le métier durant un tout petit peu plus d’un siècle, on notait la présence de la petite marque baptisée Claude Meylan. On la retient car elle a eu la bonne idée de faire dessiner ses montres féminines par une femme qui connaît bien le métier. Sobres, délicates, mécaniquement abouties et avec un travail du mouvement à même de séduire ces dames, ces petites références automatiques, abordables et ludiques se veulent un bijou horloger à la fois original, lisible et d’une taille raisonnable. L’autre pépite : Ludovic Ballouard, un indépendant créatif qui a enfin choisi de créer pour lui et non plus pour les autres. Un artisan doué à suivre de près pour qui aime l’originalité mécanique. En dehors de ces deux petits indépendants, il ne fallait pas chercher merveilles car l’essentiel n’était que marketing horloger.
Avoir la carte du trésor

On retiendra qu’avant d’attaquer les Geneva Watch Days, il eut fallu organiser le périple pour rassembler les rendez-vous par hôtels, les lieux privilégiés de concentration des marques. Cela aurait évité au plus grand nombre de faire des kilomètres à pieds pour rejoindre leurs rendez-vous souvent situés aux opposés les uns des autres. Qu’importe, il faisait beau dans la ville de Calvin et, durant ce périple, s’est dessiné la carte des plus beaux produits avec tout de même une inquiétude : celle de ne pas parvenir à trouver 10 montres dignes d’être présentées dans ce sujet.
Par chance, à l’entrée de l’hôtel Beau Rivage -l’un des plus chics de Genève avec son décor classique-, Bernhard Lederer, l’horloger indépendant spécialisé dans les garde-temps de très haute volée présentaient en compagnie de sa femme qui l’assiste en tout et pour tout, une merveille de sobriété et de technicité. Baptisée Central Impulse Chronometer, la pièce impose le respect à qui sait ce que représente de créer un échappement de précision à haut rendement. Editée en série très limitée, cette merveille de 44 mm de diamètre emporte un calibre ultra précis d’une rare élégance et surtout intégralement réalisé à la main avec passion par son inventeur. A découvrir absolument pour mesurer combien ce qui est simple en apparence ne l’est pas systématiquement !
Mécaniques débridées
Dans les étages du même hôtel, il était possible de découvrir la nouvelle UR-100 Electrum d’Urwerk. Moins sobre mais toujours parfaite en matière de futurisme, cette pièce au boîtier en alliage d’or et d’argent abrite un calibre automatique dont le mode d’affichage laisse toujours perplexe, même les passionnés les plus aguerris en matière de mode de lecture originaux. Pas de doute, dans ce secteur, Felix Baumgartner, le co-fondateur de la marque est le maître. Soit dit en passant, la jeune maison Purnell que l’on sait passionnée par les tourbillons multi-axiaux mérite également l’attention en matière de bizarrerie mécanique. Son modèle présenté dans son nouveau show room de Genève possède quelque chose d’hypnotique dans la giration de ses deux sphères contenant chacune un régulateur à tourbillon. Ceux qui cherchent quelque chose de plus clair en matière de construction, mais pas nécessairement de plus simple mécaniquement parlant, se sont rendu chez Sotheby’s pour se pencher sur la toute nouvelle et fascinante montre Tourbillon avec Trois Ponts Volants de la manufacture Girard-Perregaux. Incroyable de transparence, cette pièce dont le boîtier semble faire corps avec le mouvement est une pure merveille d’équilibre qui célèbre le talent de Constant Girard, le fondateur de l’entreprise au XIXème siècle et l’inventeur de ce type d’architecture minimaliste. Portés par l’idée de glaner chez les constructeurs historiques quelques merveilles de mécanique, Les amateurs se sont rendu les uns chez Arnold & Son, la plus anglaise des marques suisses pour découvrir la nouvelle édition de la Luna Magna avec cadran en Ruthénium et les autres chez Ferdinand Berthoud, la marque reprise par Kark Friedrich Scheufele de Chopard que l’on sait fasciné par cet horloger suisse devenu français après 1789. Dans un salon cosy, il était possible de découvrir le chronomètre FB 1R.6-1 proposé, cette année, dans des boîtiers évolutifs en fonction des goûts des acquéreurs.
Chic par destination
Dans un monde en quête d’un nouveau souffle, bien des maisons se retrouvent face au dilemme du choix : faire original au risque de déplaire ou rester sobre pour convaincre les adeptes attachés à une horlogerie de tradition. Pour ces derniers, Ulysse Nardin qui n’est pas la dernière des maisons à fabriquer des garde-temps aussi compliqués que bizarres avait choisi de consacrer ce salon à la tradition. Elle proposait une magnifique ligne de montres dans la collection Marine avec cadran en émail grand feu d’un bleu nuit d’une intensité à même de convaincre les noctambules de ne jamais revenir au grand jour. Majestueux, ces produits sobres et équilibrés célèbrent la passion de la marque pour la précision et l’univers nautique. Puissants avec la profondeur inimitable de l’émail, ils concurrençaient par leur intensité ceux très sobres proposés au sein de la collection Tonda PF par Guido Terreni, le nouveau patron de Parmigiani Fleurier. Incontestablement, ces nouveautés prouvent que le Nombre d’Or et la Divine Proportion sont deux réalités immatérielles à ne pas négliger dans la conception d’une montre. Elles lui garantissent de rester graver en mémoire d’un amateur en quête d’un instrument de mesure du temps doté d’un vrai charisme. Et, en la matière, la maison Bvlgari sait de quoi il retourne avec la fameuse collection Octo. La maison italienne proposait à l’hôtel de la Paix qui est un peu son fief depuis quelques années, une nouvelle Octo Roma dotée d’un mouvement incorporant la complication d’heure du monde (Worldtime). Utile pour les grands voyageurs, elle préfigure le retour à la vie normale et assurément le futur de la collection Octo Finissimo qui pourrait bien lancer, si elle tient compte de notre avis transmis à Jean Christophe Babin son CEO lors des Geneva Watch Days, de produire, pour mars 2022, une Octo Finissimo avec la complication d’heure universelle la plus fine du monde.