Comment se crée une icône ? Comment naissent les mythes ? Il y a derrière chaque histoire une alchimie particulière pour qu’elle puisse s’écrire. Celle de la Vespa mérite vraiment qu’on s’y attarde.
Si la firme Piaggio fut fondée à Gênes en 1884, il va néanmoins falloir patienter 62 ans avant d’apercevoir la toute première Vespa. Lorsque Rinaldo Piaggio, à tout juste 20 ans, fonde l’entreprise éponyme, celle-ci fabrique du mobilier destiné aux yachts, mais se tourne très vite vers la construction de wagons de luxe, de tramways et de fourgons de marchandises. La première guerre mondiale incitera l’entreprise à se diversifier davantage. Piaggio devient alors constructeur d’avions et d’hydravions. Des usines sortent de terre, après Gênes, Piaggio installe une unité de production à Pise, Biella, puis à Pontedera. C’est d’ici que sortira le fameux quadrimoteur P108. Quelques années avant la seconde guerre mondiale, Piaggio est devenu l’un des tout premiers constructeurs aéronautiques d’Italie. Une ascension extraordinaire et une réputation de premier ordre dans toute l’Europe. Ce qui pourrait passer pour une consécration deviendra très vite un cauchemar pour la firme. En effet, lors de la seconde guerre mondiale les usines et ateliers de Piaggio deviennent naturellement des cibles. Les unités de production et ateliers sont totalement ravagées et plus rien bien sûr ne peut sortir de ces ruines. Il faudra attendre 1946 pour que les fils de Rinaldo, Armando et Enrico Piaggio puissent entamer un processus de reconstruction afin de relancer la machine industrielle. Répondre à une demande C’est à Enrico Piaggio qu’est confié la mission la plus complexe, celle de relever l’usine totalement détruite de Pontedera. Le chantier est gigantesque. Alors pour “simplifier” le redémarrage de l’usine, Enrico opte pour une reconversion industrielle. L’alchimie dont nous parlions en préambule est sur le point de se finaliser. La firme n’a plus les moyens pour le moment de fabriquer des moteurs d’avions ou encore des turbines. Elle doit tenter de répondre à la demande populaire qui aurait bien besoin de mobilité. Plus rien ne fonctionne, il faut à l’Italie de nouveaux moyens de locomotion. Face à ce constat, Enrico imagine un deux-roues simple et robuste. Il fait appel au styliste et ingénieur en aéronautique Corradino d’Ascanio qui va alors dessiner celle qui ne tardera pas à devenir une véritable star dans son pays avant de conquérir le monde. Son nom : Vespa. De l’idée… À la réalisation. Dans l’usine de Biella on y fabrique un tout petit scooter à l’allure étrange conçu pour les parachutistes. Les ingénieurs extrapolent le concept, mais le résultat n’enthousiasme pas Enrico. Corradino d’Ascanio retourne à sa planche à dessin essayant de s’éloigner le plus possible de l’univers moto. En effet, l’ingénieur et designer n’aime pas la moto. Il lui reproche son manque de confort, sa lourdeur, son côté peu pratique lorsqu’il faut réparer un pneu, sans parler de sa chaine, trop salissante à son goût. Il imagine alors un véhicule à coque auto-porteuse muni d’une transmission directe. D’ordinaire placé au pied, le sélecteur de vitesses du concept est installé sur le guidon, toujours dans un but de simplicité. Les roues quant à elles sont fixées sur un bras porteur clairement inspiré d’un train d’atterrissage, leur démontage devient alors un jeu d’enfant. Le tout sera emballé par une carrosserie protectrice imaginée par le dessinateur Mario D’Este, afin de rester élégant en toutes circonstances. Corradino soigne particulièrement la position de conduite privilégiant le confort, mais également le maniement. Celui-ci doit se faire sans effort. À présent que le prototype est finalisé, les concepteurs ont pleinement conscience qu’ils viennent de créer quelque chose de résolument nouveau. Enrico Piaggio scrute en détail ce curieux engin. Il observe les rondeurs généreuses situées à l’arrière, remarque l’étroitesse de sa taille et s’exclame
Le phénomène Vespa Comme c’est souvent le cas, cette toute première Vespa (98 cm3) ne déclenche pas l’hystérie du grand public. En plus, elle ne dispose pas de réseaux de distribution. Enrico Piaggio a bien demandé de l’aide au Comte Parodi, propriétaire et constructeur des motocyclettes Moto-Guzzi, mais celui-ci refusa catégoriquement, justifiant sa décision par le peu d’avenir qu’avait ce véhicule improbable. C’est finalement le constructeur automobile Lancia qui ouvrira les portes de ses points de vente à la petite guêpe. L’année 47 débute et la Vespa, première du nom, s’écoule au compte-goutte. Le succès tant espéré ne vient pas. Mais pour une raison que l’histoire ignore, les derniers mois de l’année 47 vont faire exploser les compteurs. L’Italie s’arrache la Vespa. Un miracle voilà tout ! Personne ne sera vraiment en mesure d’expliquer ce phénomène. L’année suivante est lancé un modèle 125, il supplantera rapidement le modèle 98. En 1946, Enrico avait vendu 2 484 Vespa. L’année 47 qui avait très mal débuté s’est soldée au final par plus de 10 000 exemplaires, puis quasiment le double en 48 avec 19 822 Vespa écoulées. En 1950, on parle de 60 000 véhicules et trois ans plus tard s’est plus de 170 000 Vespa qui sortent des usines. La guêpe est invasive et sa piqûre semble contagieuse. Chaque jour elle fait de nouveaux adeptes. La fièvre Vespa contamine joyeusement la planète. Les clubs dédiés à la déesse Vespa fleurissent un peu partout dans le monde. Les américains, via le magazine “Times”, qualifient ainsi la Vespa “Un produit typiquement italien, comme nous n’en avons pas vu depuis les chars romains.” En 1953, le réseau Piaggio compte, c’est incroyable, plus de 10 000 points de vente dans le monde. Les Vespas Clubs regroupent quant à eux plus de 50 000 membres. Conduire une Vespa est synonyme de liberté. Elle reflète la personnalité de son propriétaire, quelqu’un de moderne, d’indépendant, et capable d’aller où bon lui semble. C’est un style de vie, une posture dirions-nous aujourd’hui. Le cinéma, la chanson, la littérature s’emparent du phénomène et sa popularité est exponentielle. Au milieu des années 50, la Vespa est fabriquée dans 13 pays et commercialisée dans 114. C’est tout simplement ahurissant. L’année 1956 célèbre le millionième exemplaire et rien ni personne ne semble en mesure arrêter cette prodigieuse ascension. Et c’est tant mieux. L’aventure se poursuit, la Vespa se décline aujourd’hui en 8 modèles dont l’immortel PX qui a fait et fait encore le bonheur des coursiers parisiens. Preuve de leur indéniable robustesse, sans oublier ce style ô combien imité, mais naturellement, jamais égalé. www.fr.vespa.com