La vie de Laurie Feligioni est rythmée par son métier de maquilleuse professionnelle. Du haut de ses tout juste 30 ans, la Niçoise arpente la Côte d’Azur, la France et le monde, pinceaux à la main, pour embellir les visages. Des tournages, aux mariages, en passant par les shootings de mode et les grands événements, elle dépasse ses incertitudes pour laisser parler sa créativité.

Laurie arrive au Café Fino avec un peu d’avance. Installée sur une banquette rose poudré dans un coin un peu isolé, elle photographie un bouquet de fleurs séchées, rare élément de décoration du lieu minimaliste. Dans cette ambiance douce et épurée, la jeune femme se fond à merveille. Elle-même parée de couleurs neutres, ses ongles nacrés, ses nombreux bijoux dorés et ses yeux gris perle comme touches d’éclat, elle traduit une élégante simplicité qui contraste avec les maquillages excentriques et colorés que l’on découvre sur sa page Instagram ou son site internet.

Ce vent de fraicheur et ce naturel qu’elle transparait, la maquilleuse en a fait sa signature jusque dans son travail. La « touche Laurie », c’est le fait de « travailler avec le minimum de matière pour un maximum de rendu ». Jamais de too much, ni de « placardé ». Pourtant lorsqu’on l’interroge sur ses premiers souvenirs avec le maquillage, ce sont « ces couleurs de fards à paupières irisés », les « star powder métalliques », et les « smoky un peu bleus » avec lesquels elle arrivait au lycée, qui lui viennent à l’esprit. « Maintenant que j’y repense, ça devait être très bizarre », avoue-t-elle en riant.

« Je tâtais, j’innovais, j’ai tout de suite eu le coup de main »

Son histoire d’amour avec le make-up ne date pas d’hier. D’ailleurs, lorsqu’elle y réfléchit en remuant lentement la cuillère dans son latte, la Niçoise d’origine affirme avec certitude que « ça a toujours été en elle ». Fille d’un père peintre de passion, le goût de l’art et la précision du coup de pinceau ne pouvaient être qu’innés. L’un sur une toile, l’autre sur un visage ou sur un corps, dans la famille Feligioni, on laisse parler sa créativité. « Je tâtais, j’innovais sur les couleurs, j’ai tout de suite eu le coup de main », se remémore-t-elle.

Derrière ses premiers essais, quelques complexes d’une peau imparfaite d’adolescente. « Le maquillage m’a aidée à m’accepter et à pouvoir sortir de chez moi », confie la maquilleuse. Et derrière cette expérience, une prise de conscience : « Ça m’a confortée dans l’idée que ça peut changer la vie de certaines personnes, les embellir, les aider à se sentir mieux. »
Des remerciements, elle en a eu. Du succès également. Si s’imposer et se faire connaitre dans cette profession peut prendre beaucoup de temps, Laurie a toujours gardé le cap : « On y reste, on s’y tient et au fur et à mesure ça marche. » Des prestations pour les plus grands événements internationaux comme le Festival de Cannes ou le Gran Turismo World Tour, en passant par les collaborations avec L’Oréal et ByTerry et les shootings de mode que la jeune femme affectionne particulièrement, elle explore quotidiennement tous les univers.

En 2018, elle se lance un nouveau défi : le World Bodypainting Festival en Autriche. Un événement inédit qui dévoile au monde entier son talent pour « l’artistique », puisqu’elle obtient la deuxième place du podium. De la nouveauté, tout le temps, pour une personnalité qu’elle décrit comme parfois « indécise » et qui se « lasse très vite ». « J’ai du mal quand ça devient régulier, j’ai besoin de voir plein de choses, que ce soit différent », avoue la jeune femme.
« Être sur le qui-vive, tout le temps »
Il y a ce sentiment, cette sensation de doute constant qui ne permet jamais un véritable « repos mental ». Avec un métier rémunéré à la prestation et une concurrence de plus en plus rude, « on ne sait jamais si ça va continuer, si on va avoir autant de travail, s’il n’y a pas des contrats que l’on va perdre parce que quelqu’un nous est passé devant ». Alors il faut sans cesse innover, se renouveler, s’adapter.

Fille d’une génération ayant précédé l’explosion de YouTube et des tutos beauté, elle n’a « jamais rien regardé ». Pourtant, le digital est devenu une partie essentielle de sa vie et de sa profession. Instagram notamment, avec ses 41 400 abonnés, s’est rapidement transformé un véritable outil de travail qu’il a fallu apprendre à maitriser en autodidacte. « C’est concret, c’est le book que je présente, les gens peuvent me contacter facilement », explique Laurie. À côté d’elle, son téléphone posé le temps de la rencontre, s’allume de temps à autre. Synonyme d’un rythme de vie où justement, on ne décroche jamais vraiment. « Être sur le qui-vive, tout le temps », répète-t-elle à plusieurs reprises.

Tout juste revenue de New York, la Niçoise s’autorise un ou deux voyages chaque année pour se « changer les idées, être loin du quotidien, couper un peu ». Une pause « primordiale » pour recharger les batteries : « Seul avec soi-même, il y a d’autres idées qui viennent, d’autres projets, ça ouvre un chakra différent, on se sent tout puissant. » Et quand elle a l’opportunité d’allier voyage et travail, alors « c’est la cerise sur la gâteau ». À travers le sport, la jeune femme trouve également son exutoire quotidien. Danse, course, musculation, boxe, Laurie en a fait son « rituel ». « Ça m’aide à extérioriser et c’est surtout le seul moment où j’arrive à lâcher le téléphone », reconnaît-elle.
Atteindre ses rêves
Inspirée par les célébrités du maquillage comme Natasha Denona ou Terry de Gunzburg, Laurie aussi se fraye progressivement une place parmi les grands. Après avoir été formatrice à la Make Up For Ever Academy et s’être trouvée une vocation inattendue pour le partage et la transmission, elle a décidé de créer sa propre école de formations en ligne, la Laurie Feligioni Academy. Une idée qui a germé pendant le confinement, son « réel déclic », et qui continue de grandir petit à petit, avec presque 200 élèves à son actif, depuis bientôt deux ans.
Un univers unique, qui gravite autour du maquillage certes, mais avec une dimension « sociale » indéniable. « Je suis proche de mes élèves qui se sentent en confiance. Elles sont parfois pleines de doutes et je suis là pour les rebooster sans cesse, pour leur faire comprendre qu’on a tous des peurs et des coups de mou », admet la formatrice.
En ayant conquis la France, la Belgique et la Suisse, l’objectif désormais est de dépasser les frontières francophones et de s’expandre à l’international. Et, en s’autorisant à se projeter sur du plus long terme, « si l’académie prend de l’ampleur », alors Laurie envisagera peut-être de créer sa marque, son « identité ». Après tout, la vie ne lui a-t-elle pas déjà enseigné que « tout peut arriver, que quand on fait ce que l’on aime et qu’on va au bout de ses rêves, petit à petit on les touche ? »
