Avoir les clés pour anticiper l’avenir
On dit l’horlogerie immuable dans son approche mécanique. Elle ne l’est pas plus que ne le sont les consommateurs de montres eux-mêmes. Attirés depuis une décennie par les références les plus recherchées des spéculateurs, ils incitent les marques à proposer dans leurs collections des pièces fortes d’un design original, susceptibles de devenir les meilleurs placements horlogers de demain.

Parlons vrai, l’univers horloger est porté depuis 2014 par un fort courant spéculatif dont la particularité est d’être concentré sur un tout petit nombre de marques dont un ou plusieurs produits se sont imposés comme des icônes au point de devenir pratiquement introuvables même pour des acteurs très influents, à moins de les payer de cinq à dix fois leur prix. Cette appétence totalement déconnectée de toute logique puisqu’elle se cristallise autour de pièces de base en acier avec des mouvements génériques, impose aux marques élues de gérer au mieux la pénurie tout comme cette passion irrationnelle qui leur échappe.
Etat des lieux
Cela peut paraître fou de le lire, mais moins dix montres se partagent près de 50 pour cent des ventes au sein des références horlogères à plus de 8000 euros. Les nouveaux entrants dans le secteur, des banquiers d’affaires aux agents immobiliers cherchant à élargir leur portefeuille ou avide de donner des « tuyaux » sur les meilleurs placements du moment à leurs bons clients seront enchantés d’apprendre que les références les plus recherchées sont toujours le chronographe Oyster Perpetual Cosmograph Daytona, l’Oyster Perpetual Submariner et l’Oyster Perpetual GMT-Master II « Pepsi » chez Rolex. On retiendra que la Royal Oak chez Audemars Piguet taille sa route dans toutes les déclinaisons de métal et que l’absence de la Nautilus de Patek Philippe fait se tourner les amateurs vers l’Aquanaut, l’autre « moderne » de la manufacture, propriété de la famille Stern. En sus, mais également plus accessible, on note une envolée du chronographe Speedmaster Professional Moonwatch de chez Omega et le grand retour du chronographe Navitimer dont la marque Breitling célèbre, cette année, le 70ème anniversaire du lancement.
Voilà, le tour est fait de tous les produits à fort potentiel. Cela fait très peu et laisse une opportunité aux marques en quête d’un rebond, de proposer l’icône du futur ; celle dont la disponibilité pourrait détourner les spéculateurs des modèles précédemment cités dont les prix en seconde main atteignent des sommets tels que tous les spécialistes affirment les voir prochainement se stabiliser. Cette idée est corroborée par les questionnements d’un certain nombre de ces investisseurs, tentés de tout vendre au top pour se lancer sur de nouveaux produits encore accessibles et disponibles pour refaire la même juteuse opération. La conjoncture est propice et les premiers à vendre seront les seuls à toucher le jackpot, car la chute en valeur sera d’autant plus rapide que le marché est volatil et dispose aujourd’hui de nombreux produits de remplacements, tout aussi attractifs.
Les montres placements du futur
De toutes les pièces horlogères à fort potentiel proposées cette année à Watches and Wonders et autour, sans doute celle ayant le plus de chances de se faire remarquer pour devenir un produit de placement, n’est autre que la Square Bang de Hublot. Graphiquement impactante, la référence a déjà pour elle d’avoir une clientèle jeune et dynamique cosmopolite et surtout soucieuse de son image. De quoi faire d’elle une des plus susceptibles de concurrencer les ténors absents des boutiques et de marquer un changement, tout en jouissant d’une image déjà forte. On notera que chez Cartier, la nouvelle Santos-Dumont pourrait également faire vibrer les cœurs de ceux qui veulent tout sauf une montre ronde. Maintenant, la mode du moment est incontestablement aux pièces sport-chic à porter sur un bracelet métal. Et plus encore aux éditions revisitées d’instruments de mesure du temps ayant été initialement lancés dans le courant des « seventies ». Parmi les nouveautés présentées correspondant à ce critère, on retiendra la réédition en or de la 222 de Vacheron Constantin, dessinée par Jorg Hysek et sortie en 1977 à l’occasion des 222 ans de la manufacture. Assurément, elle est déjà « collector ». Maintenant, son évolution moderne qu’est l’Overseas devrait connaître un sort similaire, l’intérêt du public pour ce type de références sport-chic portant belle signature étant appelé à croître. Cela a incité Chopard à lancer la collection Alpine Eagle.
Aujourd’hui cohérente et aboutie, elle a, en raison de son dessin typé, toutes les chances d’attirer l’attention des stratèges de la finance, la maison ayant pour elle d’être indépendante et familiale, comme les principaux acteurs du marché des références à fort potentiel. Evidemment, Rolex que tout le monde attendait pour ce salon a su prendre le marché à contrepied et lançait une Oyster Perpetual GMT-Master II avec couronne à gauche. Cette curiosité dans la collection est par définition déjà introuvable, les meilleurs clients de la marque l’ayant immédiatement réservée. Et comme il n’y en aura pas pour tout le monde, les premiers servis seront par définition des « insiders » ayant le bras long. Les plus malins iront voir ailleurs quelles merveilles peuvent espérer atteindre des sommets. On pense évidemment à la nouvelle Parmigiani Fleurier Tonda PF GMT Rattrapante Mono-Poussoir. Son dessin pur et équilibré associé à l’originalité de sa complication utile portent l’ensemble de la collection que l’on pourrait très bien imaginer être la prochaine Royal Oak dans le cœur de ceux qui veulent avoir l’heure autrement. La manufacture allemande A. Lange & Söhne connue pour ses montres à complications traditionnelles proposait également l’Odysseus Titane, une version urbain-sport tout à fait capable de piquer des parts de marché à des marques dont les pièces de références sont indisponibles. Dans la même veine, la nouvelle montre Orbit d’Armin Strom devrait pouvoir séduire les inconditionnels de garde-temps de créateurs dotés de subtilités mécaniques utiles. Ici, proposée à seulement 25 exemplaires et mue par le calibre à remontage automatique « maison » qui permet de lire la date en pressant le poussoir situé sur le flanc de carrure à 10 heures.
Et parce qu’il faut bien un coup de cœur parmi cette longue liste de montres toutes appelées à connaître le succès en remplaçant les modèles cités en début d’article et trop vus ces dernières années, on retiendra la montre « Une Folle Journée » de la jeune maison horlogère Trilobe. Aérienne, poétique et identifiable entre mille, elle devrait trouver sa place dans le sérail des garde-temps en passe de devenir des instruments de références pour les investisseurs en manque de placements.