C’est un destin hors du commun que celui de ce yacht, quatrième du nom. Après plus de 100 ans, il continue de fasciner.

Au panthéon des architectes-constructeurs, William Fife père et junior occupent sans conteste le premier rang. Depuis 1850, sont sortis du petit chantier au bord de la Clyde river en Écosse, les voiliers les plus prestigieux, ornés à l’étrave du fameux dragon. Au sortir des années victoriennes, le yachting est incontestablement la scène la plus prestigieuse, permettant aux têtes couronnées et aux richissimes hommes d’affaires d’afficher leur puissance politique ou financière.
Charles Pumptre Johnson est également un armateur averti, ayant fait construire par Fife les trois premiers Moonbeam, c’est au printemps 1914 qu’il commandite à William Fife la conception et la construction de Moonbeam IV. Le propriétaire a hâte d’aller en découdre du côté de Cowes avec les premiers Yachts de la Big Class que sont Calluna, Altaïr, Ailsa, Shamrock ou White Heather II et bien d’autres majoritairement construits par Fife. Nombre d’entre eux ne survivront pas à la première guerre mondiale ou sombreront dans l’oubli après avoir été réquisitionnés par les belligérants.

Moonbeam IV à Monaco
1920 marque le retour du yachting à la semaine de Cowes au cours de laquelle Moonbeam IV va faire la démonstration en remportant son premier Trophée, la Kings Cup, et affirmera sa domination au cours des années suivantes. En 1926, à l’âge de 67 ans, Johnson affale son pavillon et cède son yacht préferé à son ami, membre du Royal Yacht Squadron, Henry ‘Nipper’ Cecil Sutton. Celui-ci modifie le gréement de Moonbeam IV qui continue de glaner les trophées au cours des années suivantes qui marquent l’émergence des Class J au gréement Bermudien. Après la seconde guerre mondiale, son gréement devient bermudien pour concourrir avec les Class J les plus récents que sont Astra et Candida naviguant le plus souvent en croisière en Méditerrannée.
C’est en 1950 que SAS le Prince Rainier de Monaco acquiert le prestigieux voilier, et c’est à son bord que les époux princiers partent pour leur voyage de noces. Outre ses qualités de régatier, Moonbeam IV est également un confortable croiseur disposant d’aménagements raffinés pouvant accueillir six passagers et autant d’hommes d’équipage pour naviguer en Méditerranée. La famille Grimaldi va en profiter pendant quelques années avant qu’il ne soit remplacé par un yacht à moteur sensiblement de la même époque. Cette vente plonge le splendide yacht dans le déclin, mais c’est sans compter sur la passion et l’opiniâtreté de quelques passionnés menés par Peter Wood.

Quatre ans de restauration
Moonbeam IV quitte Antibes le 31 Juillet 1998 à destination du sud-est asiatique. Le convoyage du vieux yacht va durer trois mois et nécessiter plusieurs escales afin d’éviter les tempêtes risquant de fragiliser la structure.
Une dernière escale à Phuket, et c’est finalement à Rangoon au chantier Myanmar Shipyards que Moonbeam IV est tiré à terre pour quatre ans de restauration. La structure de la coque d’origine en acier est en meilleur état que présumé, mais c’est dans les règles de l’art et dans la fidelité à la construction d’origine que la restauration va être effctuée. En concertation avec Mike Horsley spécialiste des yachts classiques et Éric Ogden, le choix du sud-est asiatique s’est imposé en raison de la culture millénaire de la construction de bateaux en bois, de la grande compétence des ouvriers et du coût de cette restauration hors normes, quel que soit le temps nécessaire. De la mâture aux intérieurs en passant par le pont, tout à été refait dans le respect absolu des plans et des matériaux d’origine tout en y intégrant les éléments modernes tels que l’électronique pour répondre aux normes actuelles de la sécurité en mer.
Rendez-vous à la Fife Regatta
Depuis prés de de 20 ans Moonbeam IV a bien navigué et se refaire une beauté était nécessaire. C’est au chantier JFA de Concarneau, réputé pour ses constructions à l’unité et ses restaurations qu’a été confiée cette tâche, sous la houlette d’Hubert Stagnol spécialiste de la construction en bois. La coque et les espars ont été poncés et repeints, les boulons de quille longs de 1m retirés et l’étanchéité des clairevoies confiée aux ébenistes experts de JFA.
En Juin, Moonbeam IV a rejoint ses congènères en Écosse pour un hommage au magicien Fife.