Le genre a t-il vraiment une odeur ? Depuis des décennies, l’homme doit porter des notes de bois ou d’ambre et la femme des fleurs délicates. Le parfum change, se métamorphose, adopte la tendance « no gender » pour plaire à tous tout en restant unique. La mixité fait désormais gage d’élégance, les flacons s’échangent dans la salle de bains, c’est l’effluve qui est reine.
A la création du parfum au 18ème siècle, le genre n’existe pas vraiment. Hommes et femmes s’aspergent indifféremment surtout pour couvrir les mauvaises odeurs. Les années défilent et un siècle plus tard, les flacons se féminisent pour séduire de plus en plus un seul genre friand de cosmétiques. Enfin, c’est l’arrivée du marketing en 1970 qui a définitivement créé un fossé entre les parfums hommes et les parfums femmes. Naissent alors les publicités ciblées où la femme navigue dans un océan fleuri et l’homme torse nu joue la statue grecque. Ce domaine cosmétique fait vendre alors autant donner aux familles une bonne raison de multiplier les flacons dans leur salle de bains. Et cela fonctionne. Le Chanel n°5 devient le comble de la féminité. Sauvage de Dior est le jus viril par excellence. L’homme porte le musc et le bois, la femme est synonyme de fruits et fleurs. Mais jusqu’à quand ? Tout est une question de goût Il faut savoir que cette guerre de genre et ces rayonnages très distincts dans les parfumeries sont typiquement occidentaux ! Les eaux de Cologne à la lavande ne sont pas particulièrement mieux perçus par les hommes et les femmes ne sont pas plus sensibles au lin qu’au bois. Thierry Wasseur, parfumeur star de la maison Guerlain explique : « Je pense qu’il n’y a pas de notes féminine ou masculine. Il n’existe que des parfums qui peuvent convenir aux femmes ou aux hommes en fonction de ce qu’ils aiment et de ce qu’ils veulent exprimer. » La preuve en est : en Inde, la gente masculine aime porter des parfums à la rose ou au jasmin et les femmes se parent d’oud très facilement. Au Japon, peu d’habitants mettent du parfum tous les jours mais ceux qui le font optent souvent pour des senteurs fruitées quelque soit leur sexe. Au Brésil, les femmes adorent la lavande. Après des décennies de voyage et de mixité culturelle… les choses sont donc bel et bien en train de changer. Le précurseur du parfum pour homme et pour femme ? CK One de Calvin Klein. En 1994, ce jus a réveillé les consciences et s’est inséré petit à petit dans les parfumeries comme une référence. D’abord inclassable dans aucun rayon, il a fini par trouver sa place. Jusqu’ici « obni » (objet beauté non identifié), il est désormais rejoint par d’autres flacons uniques en leur genre. L’élégance a une odeur Plus que jamais, le genre ne veut plus rien dire. Dans la mode ou la beauté, la mixité fait foi, le « no gender » est star. Bilal Hassani est une nouvelle figure du style, les défilés ne séparent plus les dressings masculins et féminins, Chanel lance sa marque de beauté pour homme… Aujourd’hui, chaque individualité veut se démarquer en exprimant sa propre personnalité. Thierry Wasseur, qui aime penser qu’un homme peut porter Mon Guerlain et une femme Habit Rouge donne son avis sur la question : « Le parfum aujourd’hui est un accessoire qui potentialise l’estime de soi. Donc, le choix du parfum devient éminemment personnel et indépendant d’une image conceptuelle. » Les marques de parfums saisissent cette opportunité de créer des essences à la fois uniques et universelles. Byredo ou Diptyque sont rapidement passés maîtres en la matière. L’idée ? Ne pas classifier ses parfums pour laisser court à la vision de chacun. En 2020, d’autres marques comme Floratropia décident aussi de faire la part belle à la mixité. Mais cela reste niche ! Décider de ne pas faire un flacon en forme de fleurs ou de poing viril peut être un risque pris par les créateurs. Mais cela exprime aussi un chic et une élégance nouvelle. Bientôt au tour des jus les plus grand public ? On a hâte de voir les prochaines campagnes publicitaires mixtes.