Jusqu’au 31 juillet prochain, la Cinémathèque Française accueille à Paris une brillante et passionnante rétrospective de la trajectoire remarquable de l’actrice Romy Schneider.

Romy Schneider par Sam Lévin, circa, 1960 © Ministère de la Culture – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais
On y découvre ou redécouvre, une icône du cinéma français, réellement passionnée par son métier, qui n’a eu de cesse tout au long de sa carrière et de sa vie, de se battre avec ferveur pour la liberté d’être qui elle était vraiment. Travailleuse invétérée, sa vie et sa carrière ont été façonnées par ses choix courageux et ces derniers dévoilent d’elle, une personnalité fascinante, bien au-delà de l’image que l’on garde de sa vie et de son œuvre. Mais revenons au commencement…
Née à Vienne (aujourd’hui en Autriche mais à l’époque dans le Reich Allemand en 1938), la jeune Romy Schneider, de son vrai nom Rosa Maria Magdalena, ‘tombe’ dans le VIIème art dès son plus jeune âge puisque ses parents, Wolf Albacht Retty et Magda Schneider, étaient tous deux stars de cinéma du IIIème Reich. Romy s’illustre dès le début des années 50, dans des Heitmatfilm (films de genre du terroir allemand à l’histoire pittoresque) comme « Quand refleuriront les Lilas Blancs » où elle joue la fille de sa propre mère, ou encore « Les Jeunes Années d’une reine » d’Ernest Marischka. C’est d’ailleurs à ce dernier que l’on doit les plus célèbres Heitmatfilm avec l’inoubliable série des « Sissi », tournée entre 1955 et 1957, qui bat tous les records de fréquentation et de recettes. Ces trois films propulsent la jeune actrice au rang de véritable vedette internationale. Pourtant, Romy n’a de cesse de vouloir se détacher de l’image de ‘princesse ingénue’ qui lui colle à la peau et elle multiplie très tôt les choix de films singuliers comme ‘Monpti’ ou encore les ‘Jeunes filles en uniforme’. Au firmament de son succès, elle décide pourtant en 1958 de quitter l’Allemagne afin de suivre en France, Alain Delon (alors simple figure montante du cinéma français), rencontré au cours du tournage de ‘Christine’ et dont elle est tombée follement amoureuse. Ce choix fort et audacieux scelle son destin. Ils se fiancent l’année suivante et leur couple fait alors rêver toute l’Europe. Mais les allemands ne lui pardonnent pas cette expatriation et en France, Romy devra faire preuve de beaucoup de patience pour se détacher de l’image de ‘Sissi’ qui lui colle à la peau. « Je voulais vivre, aimer, me développer sur le plan artistique, devenir un être nouveau : mais surtout être libre. » explique-t-elle.

Elle y met beaucoup de courage, apprend le français, et travaille dur et sans cesse. Elle rencontre le réalisateur Luchino Visconti au cours du tournage de « Rocco et ses frères » où elle accompagne Alain Delon. Elle apprend alors l’italien pour le convaincre de la faire travailler. Celui-ci est le premier à lui donner sa chance en 1961 dans la pièce de théâtre « Dommage qu’elle soit une putain » aux côtés de Delon et qui rencontre un grand succès auprès du public. Visconti lui offre alors un rôle dans Boccace 70, dans lequel elle dévoile un nouvel aspect de sa personnalité, toute en sensualité et sophistication. Puis elle retrouve le personnage d’Elisabeth impératrice d’Autriche dans le superbe “Ludwig ou le Crépuscule des dieux” toujours du réalisateur italien. Elle tourne ensuite « Combat dans l’île » d’Alain Cavalier, où elle donne la réplique à Jean Louis Trintignant et où elle interprète pour la première fois un rôle entièrement en français.
« Cette petite Autrichienne qui avait fait sa fortune dans la confiserie viennoise et que j’ai vu arriver sur le plateau au début du tournage pour jouer le rôle d’une Française en français (…) et l’y voir s’y déplacer avec tant de sensibilité, d’intelligence et de naturel, je crois que c’est, disons le mot, une sorte de GENIE. Elle a une forme de génie. » en dira le réalisateur.
En 1962, elle rencontre Orson Welles et décroche le rôle inoubliable de Leni dans « Le Procès ». Elle y partage l’affiche avec des stars internationnales comme Anthony Perkins, Jeanne Moreau, Michael Lonsdale, Suzanne Flon, ou Madeleine Robinson. Dés lors, les États-Unis et Hollywood lui font les yeux doux et elle signe un contrat avec la Columbia pour sept films avec des réalisateurs comme Otto Preminger, Jack Lemon et Woody Allen. Mais l’actrice ne se retrouve pas dans la machinerie du box-office américain et elle préfère rentrer en France fin 1963. Cette période est également celle de sa douloureuse séparation avec Alain Delon. Ce qui ne l’empêche pas en juin 1964 d’obtenir la « Victoire du Cinéma français », récompensant la « meilleure actrice étrangère de l’année ». Après le tournage très éprouvant et complètement fou du film inachevé « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot, Romy retourne à Berlin, où elle épouse l’acteur et metteur en scène Harry Meyen avec qui a un fils, David Christopher. Cette naissance sera pour elle l’occasion de faire une pause et de se consacrer à sa famille pendant un temps.
C’est Alain Delon qui signe son grand retour sur le devant de la scène en la suggérant à Jacques Deray pour le rôle de Marianne dans « La Piscine » à l’été 68.
Le triomphe est flagrant avec plus de deux millions et demi de spectateurs ! Les années 70 seront le théâtre de sa rencontre avec le réalisateur Claude Sautet pour lequel elle tournera cinq films « Les Choses de la Vie » avec Michel Piccoli en 1970, « Max et les ferrailleurs » en 1971, « César et Rosalie » en 1972, « Mado » en 1976 ou encore « Une histoire simple » en 1978. Leur entente professionnelle est parfaite et transpire à l’écran.
Autant de succès qui témoignent de son talent pour le genre dramatique et appuient sa notoriété en France. Entre 1973 et 1982, elle exorcise également une culpabilité qu’elle traine depuis son enfance, celle des liens particuliers de sa famille avec le IIIème Reich en tournant pas moins de cinq films ayant pour sujet la seconde guerre mondiale comme l’inoubliable « Le Vieux Fusil » en 1975 avec Philippe Noiret.
« En réalité, j’étais simplement en avance sur mon temps. À une époque où il n’était nulle part question de libération de la femme, j’ai entrepris ma propre libération. J’ai forgé moi-même mon destin, et je ne le regrette
pas. » déclare-t-elle. A presque 35 ans, ses amours passionnent toujours autant le public : lorsqu’elle quitte son mari en 1972, ou encore quand elle vit pleinement sa folle passion pour Jean Louis Trintignant lors du tournage du film
« Le Train » dont la rupture la laisse désespérée, tout comme celle avec Jacques Dutronc, rencontré au cours du film « L’important c’est d’aimer » d’Andrzej Żuławski. Un film pour lequel elle sera d’ailleurs la première femme à recevoir le César de la Meilleure Actrice. En 1975, elle épouse Daniel Biasini, son ancien secrétaire avec qui elle aura une fille Sarah. Les années qui suivent seront malheureusement bien sombres sur le plan personnel : le suicide de son ex-mari en 1979, son divorce en 1981, ses problèmes de santé dont une tumeur au rein, la mort tragique de son fils à l’été 1981… Autant de drames qui l’accompagnent jusqu’à sa mort mystérieuse, ce matin du 29 mai 1982, où son cœur s’est arrêté, à seulement
43 ans. « Elle fumait comme un pompier, s’enivrait parfois à l’envi, aimait la fête, mais c’était sans compter les drames qui l’ont frappée les dernières années de sa vie et dont elle n’a pu se relever. Mais Romy reste une étoile, une lumière scintillante qui continue à nous éblouir. » déclare Clémentine Deroudille, commissaire de l’exposition.
De la femme, on garde le souvenir de l’incarnation parfaite de la femme française, à la fois passionnée, engagée, et libre. De l’actrice, celui d’une perfectionniste, qui avait à cœur de travailler avec sérieux et exigence chacun de ses rôles.

Orson Welles, Luchino Visconti et bien entendu Claude Sautet ne s’y sont pas trompés. « Au fil d’une vie si romanesque, de ruptures si marquées, de rencontres si déterminantes, c’est à nous, à travers cette exposition, de comprendre de quelle manière elle est devenue cette icône, cette femme libre qui, quarante ans après sa mort, fait toujours autant battre les cœurs et dont l’image, elle, n’a pas pris une ride. La montrer parfaitement vivante, en pleine lumière, sensuelle, si belle et essayer par ses mots de percer son mystère. Sans effraction. » explique Clémentine Deroudille. Quarante ans après sa disparition, cette exposition originale offre un nouveau regard sur son œuvre, son implication dans son métier, sa filmographie impressionnante (plus d’une soixantaine de films en 30 ans de carrière), et ce à travers des extraits de films, d’interviews, des images de tournages, des photographies, des textes de son journal parfois inédits. A découvrir sans plus tarder à la Cinémathèque française.